Bienfaits de la musique de Mozart, du chant grégorien, des comptines et des chants folkloriques
Mozart est un médicament !
Par Bernard Delvaux – 12 juin 2010
La musique de Mozart n’a pas fini de fasciner. L’écrivain Éric-Emmanuel Schmitt dit dans son livre « Ma vie avec Mozart » à quel point il fut une source d’inspiration et même de salut lorsqu’il se sentait « perdu ». Cette musique interpelle également l’homme de la rue, même celui qui ne s’intéresse pas spécialement à la musique classique. Mozart a écrit pour tout le monde...
En plus de toutes ses qualités musicales et esthétiques, la musique de Mozart semble posséder la propriété de guérir certains troubles, ou du moins contribuer significativement à leur amélioration : c’est « L’effet Mozart ».
Le pionnier dans ce domaine est le Docteur Alfred Tomatis (1920 - 2001), médecin ORL français. Outre son activité de médecin et de chirurgien spécialiste des maladies du nez, de la gorge et des oreilles, sa curiosité scientifique et son ouverture d’esprit lui ont fait toucher à de nombreux domaines différents :
- Problème de surdité professionnelle (chez les ouvriers exposés au bruit) ;
- Problèmes de voix chez les chanteurs ; il a montré - c’est une de ses grandes découvertes - que la voix est défaillante lorsque l’oreille fonctionne mal : la voix ne peut reproduire que ce que l’oreille est capable d’entendre ;
- Etude du langage et des langues, ainsi que de leurs bases ;
- Etude de l’audition du fœtus dans la ventre de sa mère (l’audition intra-utérine) ; le fait même d’affirmer que le fœtus pouvait entendre des sons dans le ventre de sa mère a fait rire tous ses contemporains... qui ont bien dû admettre, quelques années plus tard, qu’il avait raison...
- Etude de tous les troubles pour lesquels la « Mozart-thérapie » a une efficacité : troubles du langage, dyslexie, bégaiements, troubles de l’attention ; il faisait écouter Mozart à travers une machine appelée « oreille électronique » (la « machine à administrer Mozart » qu’il a fabriquée).
D’une manière générale, ses recherches ont contribué à jeter des ponts entre plusieurs disciplines, aboutissant entre autres à une nouvelle discipline, typiquement au carrefour de plusieurs autres : l’audio-phono-psychologie.
Les paragraphes qui suivent décrivent les idées et conclusions du Docteur Tomatis telles qu’il les rapporte lui-même dans son livre « Pourquoi Mozart ? » S’ensuivront quelques commentaires personnels sur une possible manière de les appréhender.
Pourquoi Mozart ?
C’est le résultat de toute une vie d’observation : seul Mozart (à quelques exceptions près) a des effets sur le cerveau et le système nerveux aussi prononcés, et ce d’une manière remarquablement constante et qui plus est, sur des personnes de cultures très différentes... La musique du grand compositeur est donc vue ici sous un angle très différent de celui d’un mélomane... Dans son livre « Pourquoi Mozart ? », écrit en 1991, le Docteur Tomatis pose donc la question des effets neurophysiologiques (l’action sur le cerveau et le système nerveux central) de cette musique. Les réponses qu’il y apporte sont bien évidemment partielles, tant le sujet est complexe (le cerveau est probablement une des structures les plus complexes qui existe et son organisation est loin d’être décryptée). Les points forts de son explication tournent autour de la question du rythme et de l’harmonie : selon lui, il devrait exister une sorte d’harmonie naturelle, sur laquelle Mozart avait su s’accorder, et qui lui permettait donc de faire vibrer ses auditeurs avec autant de constance... Tomatis dit par exemple à la fin de son livre : « Mozart joue du corps humain. Il est un virtuose du système nerveux végétatif et un spécialiste de la neurologie fonctionnelle ». Il apporte comme argument à l’appui de l’importance du rythme, une étude des spectres de fréquences des morceaux de Mozart qu’il compare de cette manière à d’autres morceaux.
Pourquoi pas Beethoven ? Pourquoi pas Bach ? Pourquoi pas les autres ?
Selon Tomatis, la musique de Beethoven demande de « savoir écouter » au préalable (à l’opposé de celle de Mozart qui est immédiatement accessible). Celle de Bach, qu’il compare à une « immense cathédrale sonore », nécessite de posséder des clés de lecture préalables. Sont abordés également quelques contemporains de Mozart, tels que Léopold Mozart (son père), Antonio Salieri et Haydn.
Pourquoi le grégorien ?
Le chant grégorien est un des autres styles musicaux qui a des vertus thérapeutiques, selon Tomatis. Mais alors que Mozart a plutôt une action dynamisante (avec des effets visibles sur la fréquence cardiaque et respiratoire par exemple), le grégorien, lui, apaise, parce qu’il s’adresse « directement à l’âme ». Nous pourrions dire, pour terminer ce chapitre de manière lapidaire, que le chant monastique solesmien est rythmiquement du Mozart divisé par deux !
La « Méthode Tomatis »
Tout d’abord quelques principes de base sur le fonctionnement de l’oreille...
Les sons sont transmis à l’oreille moyenne puis interne, qui a plusieurs rôles :
- Au niveau du vestibule (le saccule, l’utricule et les canaux semi-circulaires) : elle contrôle la posture et la dynamique des mouvements, ainsi que le rythme en musique ;
- Au niveau de la cochlée (en forme de limaçon) : elle contrôle l’écoute et l’analyse des sons.
Il existe une séparation claire entre ces deux fonctions, alors qu’elles semblent être beaucoup plus liées qu’il n’y paraît.
Le Docteur Tomatis introduit une fonction supplémentaire de l’oreille qui lui semble particulièrement importante (et également très négligée) : parce qu’ils stimulent le système nerveux central via l’oreille, les sons servent de véritable « nourriture » pour celui-ci ; c’est ce qu’il appelle son action énergisante ou dynamogénique.
Il faut souligner également le rôle joué par le système nerveux central, et particulièrement le système nerveux autonome (le régulateur des rythmes biologiques).
Les principes de base de la méthode :
- La mise en évidence de contre-réactions audio-vocales : toute modification de l’oreille entraîne une modification de la voix ou des sons produits par l’instrument ;
- La présence d’une oreille musicale (caractérisée par un type courbe de réponse mesurée à l’audiomètre) ;
- La présence d’une oreille directrice ;
- L’existence d’une oreille ethnique ;
- Le fait que tout problème de musicalité provient d’une perturbation d’écoute, et peut être évalué à un test d’écoute (audiométrie) ;
- Le redressement des troubles évalués par une pédagogie de l’écoute, électroniquement contrôlée, ravivant des processus évolutifs conduisant à l’éveil du désir de communiquer par la musique ;
- La plongée dans l’univers sonore utérin, qui peut livrer des clés sur les mécanismes relationnels mis en place avant la naissance.
La méthode proprement dite :
Le principe est une dynamisation par l’oreille (via des structures et réseaux neuroniques qui doivent être fonctionnels), suscitant une posture d’écoute, notamment la verticalité, ainsi qu’une bonne répartition de l’énergie dans le corps.
Pratiquement, on réalise une écoute de Mozart filtré au-dessus de 8000 à 9000 Hz (équivalents des sons intra-utérins) écoutés sous oreille électronique, qui permet le filtrage des sons, pour restituer la charge sonique qui provoquera /augmentera le désir de vivre et de communiquer. La réponse, en général, est rapide : éveil et activation des fonctions neurovégétatives (accélération du pouls, augmentation de l’amplitude de la respiration), désir de communiquer ; on observe également une action sur les fléchisseurs au début, puis sur les extenseurs du tronc.
Ensuite, « l’accouchement sonique » reproduit la naissance sur le plan sonore, c’est-à-dire le passage de l’audition fœtale vers l’audition aérienne, toujours avec Mozart via l’oreille électronique.
L’approche de la période pré linguistique (avant d’introduire le sujet dans un univers sémantique qui risque d’être encore parsemé de blocages affectifs). Les musiques utilisées sont alors Mozart, le grégorien et les comptines (pour les enfants) ou les chants folkloriques (pour les adolescents et les adultes). On réalise également un entraînement de l’oreille droite à devenir prédominante.
L’effet des musiques :
Mozart : effet déjà expliqué ; sa musique pour violon serait la plus efficace car la plus riche en sons aigus.
Le grégorien : les modulations de type Solesmes (la célèbre abbaye berceau du grégorien) sont parmi les premiers choix ; au contraire de Mozart, le grégorien apaise, calme le cœur et la respiration, sollicite la verticalité, agit sur les extenseurs de tout le corps.
Pour les enfants, les comptines de l’ethnie à laquelle ils appartiennent incluent les bases de la langue qui sera utilisée plus tard ; elles contiennent des rythmes qui vont préparer l’enfant à accepter le langage avec ses incidences psycho-affectives. Par exemple, les comptines allemandes ou espagnoles ne conviennent absolument pas à un petit français... et même au sein de la francophonie, les comptines d’un pays ne valent pas pour un autre !
Quelques réflexions
Le Docteur Tomatis propose, on l’a vu, des concepts assez intéressants mais également qui sortent des sentiers battus. Il a souvent été raillé par ses pairs, mais a finalement obtenu gain de cause et une certaine reconnaissance après avoir poursuivi ses recherches. Il a fondé un grand réseau international de centres portant son nom. Un des reproches régulièrement entendus est le caractère anecdotique de ces observations, c’est-à-dire le manque de preuves tangibles et d’études scientifiques correctement conduites étayant ses dires. Ces lacunes devraient être comblées par des travaux en cours.
On remarquera par ailleurs, à la lecture de ses nombreux livres, à quel point son rapport à la religion l’a beaucoup influencé. Cependant ceci ne fait pas partie de sa théorie !
L’effet Mozart étudié par d’autres
Le Docteur Tomatis n’est pas le seul à parler des vertus thérapeutiques de Mozart. Don Campbell dans son fameux livre « L’effet Mozart » parle des pouvoirs de la musique en général, et de celui de Mozart en particulier. Cependant, cet ouvrage a également un caractère anecdotique qui laisse sur sa faim le lecteur curieux...
On trouve également des travaux à caractère beaucoup plus scientifiques. C’est dans ce cas la sonate pour deux pianos en Ré majeur K448 qui a le plus souvent été utilisée ; la raison en est que, comme celle-ci a été utilisée pour une première étude, les autres investigateurs ont voulu utiliser la même pour mieux pouvoir comparer leur résultats aux résultats déjà obtenus dans les études précédentes. Une de ces études a montré que cette musique augmentait le raisonnement spatio-temporel et le même le QI. Néanmoins, grâce à la médiatisation de ce travail, cela a suffi pour que cela débouche sur une véritable campagne de santé publique. D’autres travaux très intéressants montrent l’effet de la musique de Mozart sur l’électro-encéphalogramme de sujets sains, ou encore sur des patients atteints d’épilepsie réfractaire (des enfants et des jeunes adultes atteints de maladies cérébrales graves, et qui présentent des crises d’épilepsie à répétition « intraitables » complètement). Bien sûr, le caractère très précis de ces travaux limite la portée des conclusions que l’on peut en tirer, comme dans tout travail de ce type. Néanmoins, ces travaux peuvent servir de point de départ pour d’autres investigations plus poussées.
Conclusion
La musique de Mozart semble être thérapeutique à plusieurs niveaux, même si ceci a été remis en question par certains auteurs. Néanmoins les recherches sont encore très limitées, et d’autres investigations sont attendues ! Au-delà de ceci, se pose la question d’une « harmonie naturelle » ou bien physiologique que Mozart (et quelques autres) seraient capables de faire résonner. La question sous-jacente est celle des caractéristiques d’une telle musique. Le rythme semble y jouer un rôle important, mais toutes ses caractéristiques sont loin d’être élucidées...